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Avec cette modestie qui sied aux auteurs de qualité et qui les signe, dans le souci de marquer les limites de son dessein, et de les marquer en deçà, Pierre Vianson-Ponté irait presque jusqu’à démentir son titre : il avertit le lecteur que seuls les historiens de l’avenir pourront écrire cette histoire –- que pourtant, et sans attendre, il a lui-même écrite. Aussi bien, ce titre est à la fois vrai et expressif. En possession de toutes les pièces du dossier, pur de toute passion, en état de donner une « relation froide et exhaustive » et de prononcer un jugement incontesté (y a-t-il d’ailleurs beaucoup de foi dans ce culte rituel rendu à l’Histoire majuscule, divinité fort suspecte ?), l’historien du prochain siècle publiera son Histoire de la Ve République. Tandis que dans « République gaullienne », on sent le primesaut, un certain frémissement, peut-être un certain sourire ; l’impression et l’opinion encore chaudes ; et jusqu’à cette familiarité qui est toujours liée à la chose contemporaine, fût-elle la plus majestueuse. Ce livre-ci est bien de l’histoire, mais ce qu’il y a de plus vil dans l’histoire : la chronique.

Pour l’avoir vécue, le lecteur se doutait bien que cette période relativement brève avait été exceptionnellement riche, intense, parfois tragique : peut-être ne savait-il pas tout à fait que, dans cette dizaine d’années, il avait traversé, et la France avec lui, plus « de bouleversements de toutes sortes qu’en un siècle et demi, voire davantage ». Une telle masse d’événements –- dont les plus dramatiques ne furent pas nécessairement les plus importants ou décisifs –- et de « révolutions » au sens physique du terme, précipités dans une accélération aussi vertigineuse, voilà qui serait bien fait pour submerger l’historien contemporain. Pierre Viansson-Ponté excelle, au contraire, à dégager les grandes perspectives, à ne jamais se perdre dans le dédale, à ne pas se laisser captiver, entraîner par les « péripéties » les plus spectaculaires. Tout y est, et chaque chose à sa place, mais ramené à l’essentiel, ordonné selon une chronologie souple, avec ce qu’il faut de chevauchements et de retours pour que les événements ou les problèmes capitaux soient traités chacun dans une exposition et une durée cohérentes sans que cessent d’être rendus sensibles leur simultanéité, leurs implications, leurs enchevêtrements. Le fond tragique, c’est évidemment l’Algérie ; mais on pourrait dire aussi bien que ce fond est un rideau qui voile des situations, des gestations, des mutations plus importantes, de plus vastes pensées et de plus longs espoirs. Ces plans lointains, ces mouvements profonds –- où l’instinct national et populaire suscite, sécrète, crée ce qui paraît sur la scène pour l’interpréter, –- sont saisis et éclairés, dans les démarches de la « République gaullienne » et de son fondateur, à travers les rétro-visées et la vision prophétique de « l’homme d’avant-hier et d’après-demain ».

« Sans passion » –- l’auteur est en droit de le dire –- mais non « sans opinion », le récit, jusqu’à ses dernières pages, en restituant la profusion et aussi la confusion de cette première période, laisse l’image d’un paysage chaotique, d’un puissant tohu-bohu –- pour reprendre dans son sens biblique un mot d’élection du vocabulaire gaullien, –- plutôt sombre, traversé de grands éclairs. L’analyse des origines du régime, à laquelle on peut difficilement dénier l’impartialité et l’équité, ne va pas, elle non plus, sans une « opinion » qui apparaît incidemment dans ce jugement sans ambiguïté : « Conçue dans le péché, la Ve République allait naître dans le mensonge. » (En quoi, après tout, elle était humblement humaine.) Mais le tableau, malgré les touches d’ombre, s’éclaire vivement quand l’observateur embrasse l’ensemble et fait le point, au terme de cette première période du règne et de cette première partie de son ouvrage ; il conclut : « Aucun réquisitoire ne pourra retirer à ce régime le double mérite d’avoir résolu le dernier problème de la décolonisation et d’avoir aussi bouleversé à jamais les données du jeu politique en France. » II n’est pas jusqu’au mot « jeu » qui n’appellerait sans doute, chez l’auteur de ce bouleversement, une approbation amère.

Observateur passionné, mais seulement de son observation, nul n’a moins de complaisance : pour personne et pour rien. La vérité, telle qu’elle est vue. Le diagnostic sur la IVe République est ce qu’il devait être. Passe encore pour les institutions et les mœurs. Mais pour les hommes –- d’hier et d’aujourd’hui, qui sont ou furent souvent les mêmes –- on ne voit pas que l’amitié, les affinités, inclinent jamais le peintre ou colore le portrait. C’est un fait que le modèle ne prête jamais à la moindre exaltation. Net, rapide, révélateur –- et parfois implacable -– comme l’objectif, le trait est volontiers ironique, souvent acéré, parfois dur, mais toujours avec une réserve extrême ; s’il apparaît trop féroce, c’est sans doute par inadvertance, comme dans ce trop classique : « Le pauvre homme ! », que le lecteur découvrira lui-même. Dieu me pardonne ! Avec la plume, presque, de Saint-Simon, notre chroniqueur a, des hommes, une vue presque… gaullienne.

Quant à celui qui est la figure même, aussi peu féminine que possible, de cette République, il va sans dire qu’il se dresse à chaque page du livre. Mais non, certes, qu’il y soit dressé : la statue n’est pas l’affaire de Pierre Viansson-Ponté. Il serait plutôt iconoclaste. Et quand il répète sa formule : « le vieux sorcier », c’est moins par une familiarité irrévérencieuse qu’en manière d’exorcisme, justement. Pour parler de son personnage principal en termes de grandeur, ou simplement en termes d’Histoire, sans doute attend-il d’être parvenu à la fin de son histoire.

Il ne lui en arrive pas moins de prononcer à son tour, après tant d’autres, comme irrésistiblement, un mot que les régimes précédents n’appelèrent jamais et que le théâtre et le héros gaulliens auront introduit dans notre politique (sans doute parce que la politique, ici, ne se sépare pas de l’histoire, de la légende et même du mythe) : le mot shakespearien.

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